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Au miroir de l’œuvre de Sean Baker, des travailleurs du sexe et des clandestins

« Four Letter Words » (2000), de Sean Baker. « Four Letter Words » (2000), de Sean Baker.

Filmer la marge, on connaît la chanson, avec ces films sociaux qui apparaissent régulièrement dans les festivals. Mais rares sont les cinéastes qui, tel Sean Baker, vont véritablement à la rencontre des gens. Désormais, plus personne n’ignore le travail de l’Américain, né en 1971 à New York, auteur du film distingué cette année à Cannes par la Palme d’or, Anora. Un conte de fées qui tourne mal pour cette escort girl (interprétée par Mikey Madison) qui se frotte aux hommes contre des dollars, à New York, et rencontre un jour un jeune client russe et fils à papa (Mark Eydelshteyn).

Sean Baker est un réalisateur et scénariste à (re)découvrir. Depuis quelques mois, son œuvre « indé » jusqu’au bout des ongles – des trans et des travailleurs du sexe très présents dans sa filmographie – est distillée en salle avant la sortie, le 30 octobre, d’Anora. Après la ressortie, cet été, de Tangerine (2015), The Florida Project (2017) et Red Rocket (2021), voici qu’arrivent sur le grand écran, mercredi 23 octobre, ses quatre premiers longs-métrages inédits, regroupés sous le thème « Les Oubliés de l’Amérique » : Four Letter Words (2000), Take Out (2004), réalisé avec sa productrice Tsou Shih-Ching, Prince of Broadway (2008) et Starlet (2012).

Lire le portrait (2022) | Article réservé à nos abonnés « Red Rocket » : Sean Baker, cinéaste de la marge et des petits budgets

As de la débrouille, bien que diplômé de la Tisch School of the Arts (reliée à l’université de New York), Sean Baker a, dès ses débuts, travaillé dans la publicité, utilisant ses cachets et ses économies pour produire ses films – 50 000 dollars, soit 46 000 euros, pour Four Letter Words, tourné avec des chutes de pellicule 35 millimètres de L’Armée des 12 singes (1995), de Terry Gilliam ; 3 000 dollars pour Take Out ; 47 000 dollars pour Prince of Broadway… Sean Baker a connu des hauts et des bas, notamment à cause de son addiction aux drogues, dont il parle librement aujourd’hui.

« Take Out » (2004), de Sean Baker. « Take Out » (2004), de Sean Baker.

Cinéma vérité

Le cinéaste a mis du temps à accepter son œuvre de jeunesse, Four Letter Words, pur bavardage masculin. Et vague de mélancolie : des étudiants qui ne s’étaient pas revus depuis le lycée se retrouvent pour une fête. La conversation tourne autour de la frustration sexuelle et du porno. Ça transpire la misère, bien que ces jeunes gens appartiennent à la classe moyenne. Baker filme un étrange paradoxe : ces gamins sont sur des rails (de leurs parents, de leur milieu social) et, pourtant, ils semblent regarder passer les trains (les amoureuses filent, les copines de la soirée s’éclipsent). Peut-être parce qu’ils ne font que répéter des modèles et n’inventent rien ? Auteur d’un cinéma vérité plus brut que scénarisé, Baker cite, parmi ses références, les frères Dardenne ou encore le mouvement Dogme95 (lancé par les Danois, au milieu des années 1990), lequel l’a libéré, dit-il, lui donnant le sentiment que le cinéma était à la portée de chacun.

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