Écran noir (ou presque). « La liberté n’a pas de bouton OFF », peut-on désormais lire en page d’accueil du site pornographique Pornhub. Le géant de l’industrie porno, et avec lui YouPorn et Redtube, ont cessé de diffuser, ce mercredi 4 juin, leurs contenus en France. Une réponse à la loi obligeant depuis janvier 2025 les utilisateurs à renseigner leur âge – via documents officiels – avant toute connexion. Et au rappel à l’ordre de l’Arcom survenu le 21 mai dernier, alors que plus d’un tiers des adolescents de 12 à 17 ans se rendent encore, chaque mois, sur Pornhub (Arcom).
Une réglementation à laquelle la maison mère de ces sites, Aylo, a préféré se soustraire en cessant d’émettre sur marché français, pourtant deuxième pourvoyeur de trafic après les États-Unis (178 millions de visites mensuelles). Jean-François Cloutier, journaliste québécois et coauteur de L’Empire du sexe : la grande enquête sur Pornhub (Éditions du Journal, 2025), une analyse édifiante du modèle et des méthodes de Pornhub depuis 2007 (année de création du site, à Montréal), décrypte pour Le Point cette opération déjà éprouvée outre-Atlantique.
Le Point : Comment comprendre l’initiative d’Aylo de bloquer ses sites pornographiques en France ?
Jean-François Cloutier : Cette méthode vise, ni plus ni moins, à faire pression afin de changer l’orientation des autorités réglementaires. De fait, la vérification de l’âge des utilisateurs est très dommageable à son modèle d’affaires : 17 % du public français de Pornhub est mineur, ce qui représente 2,3 millions d’enfants, soit une part importante de son trafic. Sans compter que beaucoup de consommateurs en âge de le consulter pourraient s’en détourner. Des projets pilotes ont démontré qu’une identification, même minimale, constituait, pour beaucoup d’adultes, un frein important à la consultation de sites pornographiques.
Son audience se réduirait donc sur deux fronts : l’exclusion des utilisateurs mineurs et le désengagement d’une partie du public majeur. Or, la plateforme repose sur le modèle économique du porno gratuit. Ce qui signifie qu’elle fonctionne au « volume », via la publicité, et a donc besoin de générer un trafic massif pour assurer ses revenus. Mettre une barrière à l’entrée représente donc, pour elle, une menace très sérieuse. D’où sa virulence.
On ne peut pas dire que la pression semble opérer auprès du gouvernement. « Si Aylo préfère sortir de France que d’appliquer notre loi, libre à eux », a commenté la ministre du Numérique.
En effet. Mais l’intention d’Aylo est d’abord de pousser ses consommateurs à « réclamer » ses contenus pour, à terme, défendre une modification du cadre légal. La question se pose toutefois de savoir si ces derniers oseront publiquement prendre sa défense et adresser leurs critiques au législateur. Mais le balancier penchera forcément d’un côté ou de l’autre. Et Pornhub – qui a déjà essayé de contester devant les tribunaux – va se battre bec et ongles. Solomon Friedman, son patron, me l’a confirmé : la question de la vérification de l’âge est un enjeu de première importance pour la plateforme.
L’entreprise a d’ailleurs engagé ce même bras de fer avec les États-Unis. Quel en a été le résultat ?
Effectivement. Dix-sept États américains ont imposé à Pornhub les mêmes exigences que la France, et la plateforme y a réagi de la même manière : en se retirant du marché. C’était en 2023, et la bataille suit précisément son cours devant les tribunaux. Solomon Friedman m’indiquait d’ailleurs, l’été dernier, être prêt à la mener jusqu’à la Cour suprême. Pour Aylo, chaque État du pays est considéré comme un territoire à conserver et l’entreprise veut, à tout prix, éviter un effet d’entraînement.
Sa démarche, d’ailleurs, est invariable : ses responsables contestent devant les tribunaux et, faute de résultats, bloquent leurs accès. Avant de s’en remettre aux plus hauts échelons. En attendant, la plateforme préfère se retirer du marché que de se conformer à la loi. Elle s’inscrit, à ce titre, dans la logique de certains géants du Web – à l’image de Facebook avec les sites de presse canadiens – qui, parce qu’ils refusent de se plier aux réglementations ne faisant pas leurs affaires, décident purement et simplement de suspendre leurs services.
Il y a un mouvement de fond : la grande majorité de la population est favorable à ce que la pornographie ne soit plus accessible aux mineurs
Qu’en est-il au Canada, pays voisin, qui a vu naître Pornhub ?
Une sénatrice indépendante avait préparé un projet de loi concernant l’âge des utilisateurs. Il était, à l’automne 2024, sur le point d’être adopté, mais le Parlement a été prorogé et un nouveau gouvernement a été nommé. Nous sommes donc revenus à la case départ. Tous les partis – à l’exception d’un parti de centre gauche – y étaient favorables. Ce n’est pas un hasard : la stratégie de la plateforme repose aussi sur la politisation du débat, en s’alliant, comme elle l’a fait aux États-Unis, aux courants progressistes, et en dépeignant les partisans de ce type de loi, comme des sympathisants d’une droite conservatrice, rétrogrades, voire contre la sexualité.
Mais, preuve en est avec la France, le mouvement qui vise à légiférer autour de l’âge des utilisateurs n’est plus réservé à certains États du sud des États-Unis. Si beaucoup de pays n’ont pas encore tranché la question, les années à venir seront charnières – et les décisions probablement irréversibles. Car il y a un mouvement de fond : la grande majorité de la population est favorable à ce que la pornographie ne soit plus accessible aux mineurs. Comme le tabac, l’alcool, les jeux de hasard – qui leur sont interdits – le porno n’est pas un produit banal. Rétrospectivement, son accessibilité aux plus jeunes nous paraîtra sans doute aberrante.
L’action de la maison mère Aylo vise à protester contre ce qu’elle considère comme une « atteinte à la liberté »…
Se draper dans la liberté est un autre pan de sa stratégie. Elle s’est d’ailleurs alliée dans ce combat au courant libertarien – dont Elon Musk se revendique – qui rejette les réglementations gouvernementales opérant sur Internet, et s’inscrit, au nom de celle-ci, dans l’utopie du Web des débuts, sans régulation. Comme Aylo, les opposants à la loi font valoir que la loi encadrant l’accès des mineurs à la pornographie ouvrira la porte à d’autres limitations, voire à un Internet « censuré ». Aussi Solomon Friedman, à qui j’avais demandé s’il s’inquiétait ou non de l’emporter dans des États conservateurs, comme le Texas, s’était montré confiant : si les milieux républicains s’inscrivent contre la pornographie, ils défendent aussi ardemment la liberté sur Internet.
Pornhub soutient que la responsabilité de contrôler l’âge des utilisateurs devrait incomber aux fabricants de terminaux (smartphones, tablettes…) et aux éditeurs de systèmes d’exploitation (Apple, Microsoft…). En quoi lui serait-ce préférable ?
Cela signifierait que l’utilisateur aurait préalablement formaté son matériel, et qu’identifié par l’appareil, il aurait automatiquement accès, ou non, aux sites pour adultes. En défendant une vérification hors du réseau Internet, Pornhub avance une solution plus respectueuse de la vie privée de ses utilisateurs. Mais ne nous y trompons pas : la mise en place de ce dispositif constituerait surtout un moindre mal pour la plateforme. Elle perdrait ses utilisateurs mineurs, un certain nombre de majeurs – refroidis par l’idée d’avoir préalablement fourni des informations personnelles – mais elle limiterait les pertes, puisque ces derniers seraient probablement moins nombreux à y renoncer qu’en les renseignant sur son site.
Pornhub, de fait, a indiqué que des fuites de données s’y « produis[ai]ent quotidiennement ». Que vaut cet argument ?
On peut là encore interroger cet argument. S’il aurait sans doute été valable il y a une dizaine d’années, aujourd’hui des moyens de vérifier l’âge des internautes tout en sécurisant leurs données existent. La question de la fuite d’informations personnelles apparaît donc, surtout, comme un écran de fumée…
Quelle issue présagez-vous quant à l’opération que mène en ce moment Pornhub, en France ?
Si l’on se réfère au cas de l’État de la Louisiane, où l’entreprise avait momentanément mis en place une vérification de l’âge de ses utilisateurs, il est peu probable que Pornhub plie. Les effets sur ses chiffres de fréquentation avaient été catastrophiques, et avaient clairement démontré que ce dispositif n’était pas viable. Le plus probable est plutôt qu’elle encourage indirectement ses utilisateurs à utiliser un VPN [réseau privé virtuel permettant d’accéder à des contenus géo-restreints]. Une augmentation de plus de 1 000 % a déjà été enregistrée sur l’un d’eux, Proton VPN, depuis que la plateforme a bloqué son accès en France.
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À l’image de Facebook avec les sites de presse canadiens, où les utilisateurs continuent de partager des articles à travers des captures d’écran, on peut tout à fait imaginer que le public français recoure massivement à des moyens détournés pour accéder aux sites pornographiques. Et permettent à ces derniers de bénéficier de leur trafic sans qu’ils n’aient à se conformer à la loi.
Mais à dire vrai, je ne suis pas sûr que la maison mère ne sache encore elle-même quelle sera la suite de sa stratégie. Je pense qu’elle attend de voir ce qui va se passer, observe les chiffres, fait ses calculs. Car les Français ne vont pas cesser de regarder du porno. En attendant, ce retrait temporaire de la France lui sert à envoyer, à d’autres pays, un message : n’adoptez pas ce type de loi. Un avertissement…
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