Cela fait soixante ans que cet Américain travaille sur le XVIIIe siècle français. En 1964, il soutenait déjà à Oxford une thèse sur la propagande prérévolutionnaire. Arrivé en provenance de Harvard, il pensait devenir journaliste, comme son père, reporteur au New York Times. La Révolution et sa foudroyante libération de la parole, ces 200 journaux créés en moins de six mois, le fascinaient.
À Oxford, ses deux tuteurs, dix-huitiémistes prestigieux, Robert Shackleton, le biographe de Montesquieu, et Richard Cobb, l’alter ego anglais de Soboul, le pape marxiste de la Révolution, l’ont conforté dans cette fascination. Finalement, il n’est resté que quatre mois au New York Times. « Un jour, dans la salle des reporteurs, qui servait de tripot pour le poker, je suis entré avec le grand livre sur la Renaissance de Burckhardt enveloppé dans une revue porno. J’avais honte de lire ces livres-là. »
À l’époque, les crimes l’intéressent déjà. Il s’en va en dresser la chronique au Star-Ledger de Newark, avant de trouver sa propre voie, dans ce XVIIIe siècle français dont il a épluché les rapports de police. « Certains policiers étaient bien plus cultivés qu’aujourd’hui, spécialistes de littérature, comme Joseph d’Hémery, qui avait établi une liste de 501 auteurs parisiens. De Diderot, il avait écrit : “jeune homme très intelligent, mais très dangereux”. » Pendant que son frère John devenait Prix Pulitzer pour sa couverture de la Pologne de Solidarnosc dans le New York Times Robert plongeait dans la communication au siècle des Lumières, la diffusion des nouvelles, la circulation des livres, leur censure, leur contrebande…
Cela fait plus de trente ans que la France traduit cet historien des mentalités. L’Humeur révolutionnaire, son dernier livre, est la somme, et un peu plus, des précédents. La preuve aussi qu’à plus de 80 ans on peut enfin élargir son public, embrasser le sujet par excellence, la Révolution française, à partir d’un matériau lu et relu, pamphlets, libelles, gazettes, Mémoires, qui forment l’effervescent bouillon de culture de la seconde moitié du XVIIIe siècle.
L’astuce et la force de l’ouvrage, c’est d’y puiser pour raconter l’écho rencontré dans la population parisienne par les événements qui ont marqué la France entre 1748 et 1789. L’ambition est de décrire, pas à pas, la formation d’un état d’esprit, d’un sentiment collectif – comme il y aurait une conscience collective –, d’une humeur partagée, établie par sédimentation, par accumulation de réactions à des guerres perdues, à des dérapages de la monarchie, à des affaires judiciaires, à des disettes répétées… Point de statistiques encore, mais l’acousticien Darnton semble avoir des instruments de mesure assez fins pour évaluer les résonances de ces chambres d’écho.
Pente fatale
Glissements progressifs vers la Révolution : pas une causalité, mais un terrain. À quel moment prend un feu ? Mystère. Mais pour qu’il prenne, le bois ne doit pas être détrempé. La Révolution fut si complexe qu’à ses origines on trouve du politique, de l’économique, du social… Mais aussi un esprit, une mentalité. Cette pente fatale se lit chez Darnton comme l’entrechoc final de deux lentes dérives tectoniques. D’un côté, un sujet qui apprend à donner son avis sur tout, se pense peu à peu citoyen et agit comme tel. De l’autre, un pouvoir qui se déconsidère, se dévoile, se désacralise… Quelques exemples parmi les 46 chapitres qui jalonnent ce compte à rebours presque trop fatal.
Au Café de Foy au Palais-Royal, le cabaretier, maître de séance, lisait un pamphlet en faveur du gouvernement, hué régulièrement par un public hostile, en présence d’un procureur qui instruisait un procès en despotisme. Le pamphlet finissait brûlé sous les yeux de l’assistance ravie. Ou bien ces effigies des Premiers ministres, parfois très réalistes, celles de Maupeou, l’ennemi du Parlement, en 1774, de Calonne, en 1787, obligées de faire amende honorable, traduites en procès, avant de flamber dans une violence carnavalesque.
Mais c’est aussi ce Compte rendu au Roi que le ministre Necker publie en 1781 : pour la première fois, on explique au peuple en quoi consiste un… budget de l’État. Démarche louable, mais qui révèle un secret, ouvrant ainsi la porte à l’idée que tout désormais dans l’État est accessible, discutable, à qui veut bien s’y intéresser. C’est là sans doute l’idée la plus forte de ces pages, ce contrôle progressif des lois de la nature – Montgolfier, qui maîtrise l’air, Mesmer, qui entend tout guérir, Lavoisier, qui décrit la transformation de l’eau en air – et aussi de la raison. Tout devient possible. Darnton est un possibiliste.
Passerelles
La tentation est grande de jeter des passerelles avec le temps présent. En bon historien, Darnton reste sur la réserve, mais avoue : « Je pensais à notre situation actuelle, à notre mésinformation, à notre désinformation, déjà si présente à l’époque. Je pensais aux mensonges de Trump ; si on l’avait mis sous l’arbre de Cracovie, il se serait mis à craquer. » Référence à cet arbre du Palais-Royal où les nouvellistes de bouche échangeaient les derniers on-dit, ragots, nouvelles, à portée d’oreille des mouchards de la police. La langue française en a hérité le mot « craque ».
Impossible en lisant cette violence langagière inouïe contre le roi, en découvrant ces mille boulangeries prises d’assaut lors de la guerre des farines (1775) ou cette virée sans lendemain des pauvres à Versailles en 1785, de ne pas songer à un éternel français : « J’ai suivi des cortèges de Gilets jaunes et j’ai été frappé de retrouver cet esprit contestataire, avec de l’humour, ce n’était pas la colère froide et méchante des trumpistes qui ont marché sur le Capitole. » Idéalisation ? Sans doute, de la part d’un professeur de Harvard qui déclare inévitables les violences dans son université entre pro-Palestiniens antisémites et étudiants juifs. Là, on le suit moins. Comme on le suit moins sur son interprétation de la Terreur, née selon lui de la guerre déclarée en 1792.
Conférence « L’humeur révolutionnaire », 11 octobre, 11 h 30-12 h 30, château royal de Blois, salle des États généraux.
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