40 ans, l’âge de raison ? L’âge de la crise ? Le début de la fin ? Ce 4 novembre 2024, Canal+ passe un cap en célébrant son quarantième anniversaire. Si la chaîne fête ça avec une grande soirée animée par Antoine De Caunes, l’occasion est trop belle pour ne pas se demander si Canal+ fait une belle quadra.
Ringarde et patronne du PAF ? La triomphante chaîne des années 1990 a-t-elle su s’adapter ? Pour juger, nous nous sommes basés sur les trois piliers sur lesquels Canal a construit sa légende : le cinéma, le foot et le porno.
Un engagement constant dans le ciné
« La chaîne du cinéma », c’est ainsi que Canal+ s’est surnommée à sa création. Depuis quarante ans, StudioCanal est incontournable dans la production de films mais aussi de séries tant en français qu’en anglais. Avec des succès comme L’Amour ouf, la firme semble encore au taquet pour poursuivre sa belle histoire d’amour avec le cinéma français.
Son image de chaîne « innovante » et « rentre-dedans » s’est dégradée au fil des années et avec la concurrence d’autres plates-formes, mais Canal+ ne se repose pas sur ses lauriers comme le révèle le journal corporatif Box-office Pro. En début d’année, Canal+ s’est engagé à poursuivre son engagement en faveur du cinéma français pendant encore cinq ans en précisant pouvoir mettre plus d’un milliard d’euros sur la table.
« 43 % des films financés par Canal+ sont des films dits de la diversité, c’est-à-dire avec un budget inférieur à 4 millions d’euros, expliquait Maxime Saada, président du directoire du groupe Canal lors de son audition à l’assemblée nationale en début d’année 2024. Cela représente 25 % de nos investissements, or nos obligations se portent à 17 %. »
Selon ses dires, cet engagement enthousiaste concerne tous les types de films pour défendre « la diversité de la production du cinéma français, notamment en matière de budgets de production, de diversité des talents, des cinéastes et des types de films financés ». De quoi rendre très optimiste pour l’avenir de Canal+, dont fait également partie OCS/Orange, pour son implication dans le domaine du 7e Art.
Le foot dans une nouvelle division
La quarantaine est associée à la crise qui porte son nom et au divorce. Canal+ n’échappe pas à la logique. A l’aube de ses 40 ans, la chaîne cryptée a coupé les ponts avec son fidèle compagnon, la Ligue 1. Une séparation houleuse dont Canal sort paradoxalement grandie pendant que le football français se fait remonter les bretelles par le Sénat.
Du sport roi elle n’a gardé que les valeurs sûres, la Ligue des champions, la Premier League et Hervé Mathoux. Dans son traitement du sport, la chaîne est à la télé ce que le 501 est au jean, intemporel et identifiable, jamais révolutionnaire mais jamais ringarde. Le sang neuf injecté aide à renouveler l’air : Habib Beye est devenu un mème sur les réseaux, Samir Nasri séduit par ses anecdotes et Bertrand Latour, dernier venu, apporte un soupçon bienvenu d’impertinence.
C’est peut-être hors du football qu’il faut trouver un regard neuf chez Canal. La Formule 1 s’est offerte un dépoussiérage – bien aidée par Netflix – avec Julien Fébreau et sa promesse du « rendez-vous au premier virage ». Dans son dernier fait d’armes, le journaliste a pu témoigner du « crossover » entre Charles Leclerc et un escadron de l’armée de l’air dans le docu « supersonique ». Il n’y a plus de Ligue 1, mais toujours de l’idée.
Le virage du porno éthique
Avant que Canal+ n’en diffuse, le porno, c’était les cassettes qu’on s’échangeait sous le manteau et quelques cinémas à la clientèle masculine. Alors le nouveau rituel du porno du premier dimanche du mois à la télé le premier, c’était un peu la révolution sur nos petits écrans. Mais maintenant que le porno est accessible en un clic, est-ce toujours subversif de continuer à en diffuser à la télé ?
Anoushka, réalisatrice de films porno éthiques et féministes, collabore avec Canal+ depuis dix ans et a réalisé six films pour la chaîne et prépare le septième: « Chronique d’un été ». Pour elle, « le porno à la télé n’est pas subversif, c’est du cinéma, comme n’importe quel autre film, c’est un genre. Canal+ produit des longs métrages qui durent entre 1h20 et 1h30, avec une réelle narration, des décors, un casting, et surtout selon une charte éthique, qui veille à fournir un cadre de tournage safe, avec des rémunérations justes, une attention portée à la notion de consentement, et avec la présence d’une coordinatrice d’intimité. C’est un gage de qualité. C’est bien différent de ce que l’on peut trouver sur les plateformes de streaming, où il y a essentiellement des scènes courtes, crues et du gonzo, où l’on ne sait pas d’où viennent les images, les conditions dans lesquelles elles ont été tournées ».
Face à la concurrence des tubes, Canal+ a ainsi un rôle à jouer sur le terrain du porno. « La chaîne a su prendre un virage sociétal, selon Anoushka. Les films porno qu’elle produit sont encore très suivis, et donne une impulsion qui rayonne dans le porno. Dans mes films, j’aborde des thématiques engagées d’un point de vue féministe et queer. Je ne pense pas que je pourrais aller aussi loin dans ces sujets avec une autre chaîne. »
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