Pourquoi le « porno influenceur » AD Laurent est dans le viseur d’Aurore Bergé

Il a beau s’essayer à des pointes d’humour, il semble bien qu’il ne fasse plus rire le gouvernement. L’influenceur AD Laurent a été banni de TikTok après le signalement de la ministre déléguée à l’Égalité femmes-hommes, Aurore Bergé.

Elle avait écrit, mercredi 14 mai, au président de TikTok France, Adam Presser, pour alerter sur le contenu propagé par l’ancien candidat de télé-réalité, qu’elle qualifie de « vision déformée et toxique de la sexualité où la domination et la violence prennent le pas sur le respect et le consentement ». Depuis plusieurs années, Adrien Laurent, de son vrai nom, s’est en effet distingué par des contenus qui ont suscité la polémique.

Cet ancien jeune espoir du basket, passé par une école de commerce, s’est d’abord fait connaître, à partir de 2016, dans des émissions de télé-réalité. Physique sculpté, sourire Colgate, goût pour l’irrévérence, le jeune homme d’alors 22 ans se fait rapidement remarquer, notamment dans l’émission Garde à vous, sur M6, dans laquelle de jeunes hommes sont soumis à un service militaire.

Très rapidement, AD Laurent va multiplier les participations aux programmes de télé-réalité, comme Les Princes de l’amour, Friends Trip, Les Anges ou encore La Villa des cœurs brisés. De cette dernière émission, il en avait d’ailleurs été écarté en raison de plaintes de ses prétendantes ainsi que de tensions avec d’autres candidats.

Mais il avait déjà, bien avant cela, su faire fructifier ses passages télévisés. Aujourd’hui, il comptabilise 1,8 million d’abonnés sur TikTok pour 25 millions de « j’aime ». C’est sur ce réseau social qu’AD Laurent, qui qualifie ses conquêtes de « pupuces », agit désormais et publie de manière régulière. Et c’est à ce sujet qu’Aurore Bergé s’insurge.

Des « allusions sexuelles constantes »

Le contenu qu’il diffuse est jugé par la ministre « extrêmement préoccupant » : « lives répétés avec des jeunes filles, dont il est difficile de déterminer l’âge tant elles paraissent jeunes », avec des « allusions sexuelles constantes », « vidéos décrivant des pratiques sexuelles violentes et sans consentement ». « En favorisant la diffusion de telles vidéos, votre plateforme contribue à l’érosion des principes d’égalité et au maintien de schémas de domination dont nous nous efforçons pourtant de nous affranchir », poursuit-elle.

À LIRE AUSSI « L’algorithme de recommandation de TikTok est assez redoutable et addictif » Le contenu de l’influenceur provocateur sur la plateforme tourne presque exclusivement autour de la sexualité. Généralement sous le couvert de l’humour, AD Laurent met en scène ses différentes partenaires dans des allusions à peine voilées à des relations sexuelles. Il peut par exemple établir un classement de femmes « pour la nuit ou pour la vie » ou se vanter de ses nombreuses conquêtes. Les jeunes femmes qui apparaissent dans ses vidéos sont le plus souvent des faire-valoir, la discussion étant principalement orientée autour de leur physique et du supposé sex-appeal du jeune homme.

Une plainte pour viols

Au regard de ce contenu, AD Laurent n’est pourtant pas le plus pédagogue. Celui qui se dit addict au sexe n’évoque que très rarement des questions plus terre à terre liées aux relations sentimentales. Tout au plus, il existe quelques vidéos où il évoque, par exemple, la question de la domination dans un couple (« Le but, c’est d’essayer de marcher ensemble, qu’on s’aide ») ou celle du consentement, mais qui ne constituent pas la majorité du genre.

« On me dit : “Ouais, tu sexualises la femme.” Non, elles se sexualisent toutes seules, il n’y a pas besoin de moi », se défend-il dans un entretien dont il a diffusé des extraits sur son compte. Celui qui se targue de toucher parfois plus de 100 000 euros par mois s’est, depuis plusieurs mois, également lancé dans l’industrie pornographique en tant qu’acteur.

À LIRE AUSSI Pourquoi TikTok fait (à juste titre) tellement peur aux parentsÀ ce tableau s’ajoute, depuis 2024, une plainte pour viols déposée par une femme restée anonyme, pour des faits qui auraient été commis en 2018. AD Laurent a plusieurs fois réfuté ces accusations. Il n’en reste donc pas moins que son profil inquiète le gouvernement, jugé « extrêmement préoccupant ». Au-delà, Aurore Bergé pointe la responsabilité de TikTok à son sujet.

Aucun filtre ni contrôle

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Elle rappelle que, pour peu ou prou le même contenu, le compte de l’influenceur a été suspendu sur Instagram. Or, déplore-t-elle, aucun filtre ni contrôle n’est mis en avant sur TikTok, ce qui « interroge sur l’efficacité des dispositifs de modération en place et sur les engagements de TikTok en matière de protection des utilisateurs les plus vulnérables ».

À LIRE AUSSI « Il faudrait qu’un gouvernement ait le courage d’interdire le smartphone avant 15 ans » Les réseaux sociaux sont « un espace incontournable » de « construction des représentations, en particulier pour les plus jeunes » et « participent à leur compréhension des relations sociales et intimes », estime-t-elle encore. L’« influence considérable » des réseaux sociaux, « implique une responsabilité accrue pour les plateformes, qui ne peuvent se soustraire à leur devoir de vigilance face aux contenus qu’elles diffusent ». Face à cette pression du gouvernement, TikTok pourrait être contraint à agir. Et AD Laurent, très actif sur la plateforme, a sans doute beaucoup à y perdre.

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